Ma sœur, mon frère,
Les résultats des élections européennes ainsi que la dissolution de l’Assemblée nationale plongent notre pays dans une séquence inédite.
Que dire alors ? Avons-nous, en tant qu’Église, quelque chose à dire ?
En 1971, un groupe de travail de la Fédération protestante de France présentait ces conclusions sur le rapport entre Église et Pouvoirs et affirmait :
« une des tâches des Églises est de devenir des « lieux critiques » où connaissance et analyse sont sans cesse confrontées à l’Évangile »
(Église et Pouvoirs, bulletin n° 165 de décembre 1971 du CPED).
Aujourd’hui, avec la pasteure Emmanuelle Seyboldt, présidente de l’EPUdF, avec le conseil de l’UEPAL, notre Église sœur d’Alsace Moselle, je le pense.
Vous trouverez donc leurs communiqués ci-après.
Personnellement, je souhaite également partager avec vous ces quelques mots qui me sont venus au lendemain des résultats et que vous retrouverez dans le prochain édito du Cep :
Espérer contre toute espérance
Entrer en vraie résistance
Rester enracinés dans la confiance
Oui, résister, faire réellement nôtre ce mot gravé sur la margelle du puits de la Tour de Constance : Résister.
Résister, encore et toujours, aux discours démagogues et à la simplification caricaturale des questions et des enjeux.
Résister, surtout, aux discours de haine et à la désignation des boucs émissaires.
Résister, enfin, pour ne pas sombrer dans la résignation et le désespoir.
Résister vraiment, c’est croire encore en une fraternité promise.
Résister vraiment, c’est parier encore sur l’écoute et l’accueil possible.
Résister vraiment, c’est croire encore en la beauté.
Mais comment ? Comment tenir lorsque plus rien ne tient ? En nous confrontant encore et toujours à l’Évangile.
Davantage, en restant fermement enracinés dans cette Parole qui nous fonde et nous tient, dans cet Évangile de Grâce qui s’en vient redonner sens à nos vies souvent insensées, comme l’apôtre Paul l’écrivait aux Éphésiens :
« Plongez vos racines dans l’amour et soyez solidement construits sur cet amour.
Alors vous serez capables de comprendre la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l’amour du Christ.
Vous connaîtrez cet amour qui dépasse tout ce qu’on peut connaître.
Vous recevrez toute la vie de Dieu, et il habitera totalement en vous » (3, 17 à 19).
Pasteur Jean-François BREYNE
Président du Conseil régional
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Face à l’extrême droite, une Eglise accablée, déterminée et engagée
Les résultats français des élections au Parlement européen nous accablent.
Depuis dimanche soir, nous sommes sous le choc d’un parti politique d’extrême droite, porté en première place par notre pays.
L’Église protestante unie de France ne peut pas se taire. Vivre sa foi dans le monde engage notre
responsabilité à travailler ensemble et individuellement pour le bien commun. Se tenir à l’écoute de l’Évangile a nécessairement des conséquences politiques qui s’opposent au programme du Rassemblement national.
Avec toutes celles et ceux qui, dans l’Église et hors de l’Église, dans les associations, les entreprises et toute la société, œuvrent pour la solidarité et la paix, pour le partage et le dialogue, pour l’hospitalité et l’écoute, nous appelons chacune et chacun à exercer son droit de vote en participant aux prochaines élections législatives. Se rendre aux urnes est une prise de parole nécessaire au bien commun.
Pendant des décennies, nos synodes successifs1 ont affirmé que l’Évangile nous appelle à dépasser nos peurs, à résister au piège de la violence et à la tentation du rejet. Dans la fidélité à l’Évangile du Christ crucifié et ressuscité, nous redisons que chaque personne humaine est reconnue digne. Nous refusons de laisser l’Évangile servir d’argument pour exclure les uns et réduire au silence les autres.
Alors que les discours violents et méprisants occupent une large place de l’espace médiatique et
empoisonnent les esprits, nous vous encourageons à entrer en discussion avec parents, voisins, collègues, amis. Nous vous encourageons à vous joindre à toutes les forces de dialogue, de justice et de paix pour
débattre et construire ensemble une alternative aux idéologies d’extrême droite.
C’est de reconnaissance que l’être humain a besoin, d’estime et d’attention, et non de mépris, de rejet et d’humiliation.
Nous n’ignorons rien des situations de vie précaires, des injustices économiques et des violences sociales : faire le malheur des uns ne fera pas le bonheur des autres. La liberté, l’égalité et la fraternité sont les seuls chemins à emprunter ensemble pour une société juste. La division et l’exclusion nous mèneraient dans de dangereuses impasses.
Devant la complexité des enjeux nationaux et internationaux, nous refusons les messages rapides, lisses et simplistes. Bien loin de répondre aux défis de notre temps, ils sont inopérants car mensongers.
Toujours nous confessons que Dieu aime le monde. Cet amour nous conduit à résister à tout ce qui défigure l’être humain. Nous résisterons donc aux sirènes de la violence et de l’inhumanité véhiculées par l’extrême droite et le Rassemblement national. Nous résisterons aujourd’hui et demain, pour la vie, pour la joie, par l’espérance. En Christ est notre assurance. Nous croyons que « c’est dans le calme et la confiance que sera votre force » (Esaïe 30,15).
Pasteure Emmanuelle SEYBOLDT
Présidente du Conseil national de l’Église protestante unie de France
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Déclaration du Conseil de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine :
13 juin 2024
Donnons la priorité à nos valeurs
En France, les élections européennes ont davantage porté sur la politique nationale que sur
l’orientation des politiques de l’Union.
Les résultats du scrutin ont conduit le Président de la République à appeler à des élections législatives dans un délai extrêmement court. Notre pays vit une échéance électorale majeure dans une ambiance de précipitation.
Nous invitons nos concitoyennes et concitoyens à la lucidité et à la responsabilité.
Toujours imparfaite, la démocratie est une chance. Ne manquons pas l’occasion de débattre et de réfléchir.
Qu’avons-nous en commun de plus précieux ? Comment redonner un élan à la vie démocratique, favoriser le développement durable, assurer à toutes et à tous un niveau de vie décent, réguler la vie sociale, protéger les citoyens, garantir la paix, faire régner la justice et mettre en place plus de solidarité ?
Les propositions extrémistes sont un piège. L’avenir se décide maintenant. Les élus ont un rôle essentiel à jouer. Il s’agit de poursuivre des projets à long terme et non de choisir des solutions démagogiques. Les Françaises et les Français aspirent à un monde plus juste, plus sûr et qui retrouve la paix. Grâce au projet européen, nous sommes passés d’une logique de l’intérêt particulier à celle de l’intérêt commun. Le repli sur soi et la fermeture ne sont pas des solutions réalistes.
En tant que protestants, nous sommes attachés à la démocratie représentative, à la place des corps intermédiaires et au respect de tous les acteurs de la société. Nos futurs gouvernants doivent impérativement être en mesure de coopérer en confiance avec nos partenaires européens.
À qui confierons-nous les clés de la maison commune pour garantir une paix civile permettant aux croyants et non croyants, partisans de telle ou telle idéologie, de vivre côte à côte ? Notre foi chrétienne nous commande d’aimer notre prochain et de tendre la main à toute personne en difficulté, quelles que soient ses convictions ou ses origines. Nous invitons les citoyennes et les citoyens à voter pour orienter notre pays non vers l’affrontement permanent, mais vers le dialogue et la fraternité, au service du bien commun.
« Cela importe d’autant plus que vous savez en quel temps nous sommes :
c’est l’heure de vous réveiller enfin du sommeil !» Romains 13, 11
Le Conseil de l’Union